La sanction de Noël … (suite et fin)

Jean-Marc Fourré • 11 janvier 2022

Deuxième partie de notre revue de la "sanction de Noël" [en savoir plus]

Voici la suite et la fin de notre analyse de la sanction CIF publiée en toute fin d'année dernière …(cf. notre blog du 14 décembre 2021 la "sanction de Noël" - Première partie)


Nous avons vu dans la première partie de notre dernier blog les enseignements à tirer en ce qui concernait :

  • La commercialisation à des clients non professionnels d'un produit réservé à des investisseurs professionnels, et la règle absolue de réserver la présentation, le conseil ou la commercialisation des produits réservés aux investisseurs professionnels à cette catégorie d'investisseurs exclusivement,
  • L'importance de la démarche formalisée de l'adéquation des produits conseillés aux profils des clients et le fait que même un petit nombre de dossiers clients pour lesquels le défaut d'adéquation a été retenu est sans conséquence sur la caractérisation d'un grief par l'AMF,
  • L'importance de la présentation des risques des produits dans les rapports écrits par le conseiller, de même que l'équilibre des avantages et des inconvénients, des risques et du rendement …
  • L'analyse de chacun de ces points document par document, et non par appréciation globale de l'ensemble de la documentation fournie au client, les documents devant être analysés "indépendamment les uns des autres".


Abordons maintenant les autres thèmes identifiés dans par l'AMF.


La rémunération du CIF et le traitement des conflits d'intérêts

Notons ici l'importance de la communication à l'investisseur, en préalable à la conclusion de l'opération, de la nature précise des rémunérations perçues par le conseiller : honoraires, droits d'entrée, commissions de souscription et sur encours, tant en % qu'en montant absolu, et y compris les modalités de calcul et de perception (assiette, taux, périodicité etc.). Cette information détaillée et complète est a fortiori indispensable quand les montants sont élevés (ici : entre 8 et 10 % de la souscription), cf. § 59, et qu'ils représentent une part importante des revenus du conseiller, signe d'une situation de conflit d'intérêt potentiel manifeste. Indiquons aussi le lien entre cette information et celle concernant les "parties liées" au conseiller, susceptibles de lui verser ou de recevoir de sa part telle ou telle rémunération.


L'absence d'amélioration du service de conseil au client dans la durée

A la perception d'une rémunération dans la durée doit correspondre une amélioration du service fourni au client dans la durée. Ce point essentiel de la Directive MIF 2 reste encore quelque peu difficile à appréhender, de manière concrète, lorsque le produit, souscrit à long terme, voit ses caractéristiques économiques et financières peu varier dans le temps, ou que les rachats étant bloqués, la latitude d'action du client comme celle du conseiller est limitée. "Prendre attache" avec son client au moins une fois par an est le minimum (§ 67), mais semble insuffisant. L'informer régulièrement de l'évolution de son placement et valider avec lui sa pertinence au regard de l'évolution de sa situation sont aussi nécessaires. Toutefois, l'AMF rappelle que dans certains cas, une rémunération dans le temps s'apparente en fait à "des paiements échelonnés d'une seule et unique rémunération relative au service de conseil fourni à l'origine" et qu'il faut le présenter au client de cette manière, sans - ajouterons-nous - oublier tout ce qui précède.


La non communication au client d'informations financières importantes

Le sujet couvre ici la non information des clients sur l'existence de pertes financières (§ 77, 82) ou de  litiges dans lequel le fournisseur du produit était impliqué (§ 81, 83). Généralisons simplement à l'obligation d'informer rapidement et complètement les investisseurs des événements affectant la vie du produit et celle de son promoteur. Cette recommandation est bien sûr à relier au point ci-dessus.


Le placement non garanti

Le sujet de l'exercice potentiel par un CIF d'une activité de placement non garanti (§ 85 et suiv.) doit s'analyser, au vu de la complexité du sujet et du risque encouru, avec prudence et, comme l'a souvent rappelé l'AMF : in concreto. Sans la connaissance détaillée de la situation, rappelons simplement quelques éléments fondamentaux sur ce sujet.

Placement non garanti = 1 + 2 + 3, c’est-à-dire :

 1.      La recherche de souscripteurs ou d’acquéreurs d’instruments financiers

2.      Une recherche qui intervient pour le compte de l’émetteur ou du cédant

3.      L'absence de garantie apportée à l’émetteur quant à un montant minimal de souscription ou d’acquisition.

Dans les faits, il y a donc placement non garanti si …

  • Il existe une convention (un mandat, une lettre de mission …) pour une mission de présentation, prospection, commercialisation … par le CIF d'instruments financiers proposés par un émetteur (§ 96)
  • Le CIF commercialise activement ces instruments financiers (ici : actions de commandite, obligations …), ce dont on peut juger par : le grand nombre de clients ou prospects sollicités, même si tous ne souscrivent pas, les commissions qu'il va en tirer, la durée globale de l'opération … (§ 97)
  • Et, bien sûr, aucune garantie de montant n'est évoquée nulle part (§ 98)

Dans tous les cas, prudence et jugement.


Le dispositif LCB-FT et l'obligation d'identification de l'origine des fonds

Sur ce sujet, l'AMF rappelle que "quand bien même […] le CIF ne reçoit pas de fonds, l'obligation de recueillir les informations relatives à l’origine des fonds est un préalable à la réalisation d’une mission par celui-ci" et ceci, de manière systématique, c’est-à-dire pour tous les clients, sans exception.


Pour en savoir plus : nous contacter.


Lire le texte de la sanction...AMF - SAN 2021 - 16


Créée en 2008, OPADEO CONSEIL accompagne les acteurs de l’Epargne (CIF, CGP, IAS, Family Office, associations professionnelles…) et de la Finance (SGP, EI) sur la réglementation AMF et ACPR dans des missions de contrôles (RCCI, RCSI, Contrôle périodique…), d’agrément, d’organisation, de stratégie et de formation.

 

OPADEO CONSEIL est membre fondateur de l'association ICCI. Créée en 2019, l’association ICCI (les Indépendants de la Conformité et du Contrôle Interne) a pour vocation de regrouper les intervenants indépendants et externalisés de la conformité et du contrôle interne qui exercent dans le cadre de la réglementation AMF ACPR : RCCI, RCSI, contrôleurs internes ...

par Vincent Boisseau 24 octobre 2025
CIF et AV Luxembougeoise...rien ne pensait qu'ils se rencontreraient. L'AMF l'a fait.
par Vincent Boisseau 7 octobre 2025
Et de 3 ! L'AMF se fâche encore contre une SGP de Private Equity !
par Vincent Boisseau 29 septembre 2025
A l'occasion de cette sanction, l'AMF reprécise la fine séparation entre club-deals et autres FIA.
par Vincent Boisseau 22 septembre 2025
Des défaillances multiples chez ALTAROC (ex AMBOISE)...Une va faire frémir les CIF !
par Vincent Boisseau 11 août 2025
Contexte: MND (ex-Montagne & Neige Developpement) est spécialisée dans le développement, l’aménagement et la sécurisation des domaines skiables, de sites de loisirs et d’infrastructures en montagne. Introduite en bourse en 2013, la société a été admise à la négociation sur le compartiment C d’Euronext Paris, puis sur Euronext Growth à compter de 2018. Cougar Invest est un cabinet de conseil CIF depuis 2013 Les griefs concernant MND • On ne s'étendra pas sur les griefs concernant la société MND Les griefs concernant le CIF L'AMF s'appuie sur seulement 3 dossiers d'investissements sur les titres MND. Délit d'initié • Avoir fait réalisé à ses clients des opérations d’initiés en lien avec l’information relative au gain du contrat du téléphérique de Huy par MND Lettre de mission • Lettres de mission strictement identiques et par conséquent, non adaptées aux caractéristiques et motivations principales de chacun d’entre eux • Ces lettres de mission mentionnent une rémunération nulle pour l’étude patrimoniale et évoquent uniquement la possibilité d’honoraires dans le cadre d’une mission de suivi, sans préciser leur montant • Les lettres de mission comportent des informations générales sur différents scénarios de commissions susceptibles d’être perçues par le CIF, ce qui prive les clients d’une information claire et transparente concernant la rémunération effectivement perçue par Cougar Invest Rapport d’évaluation périodique • Aucun rapport d’évaluation périodique destiné à informer les clients: • (i) des coûts et frais effectivement supportés • et (ii) à vérifier l’adéquation des conseils fournis aux besoins et à la situation des clients, ne leur a été envoyé. • (rappel du 11° de l’article L. 541-8-1 CMF : "Lorsqu'ils fournissent un conseil mentionné au 1° ou 3° du I de l'article L. 541-1 (ndlr : Conseil sur instruments financiers ou sur Service d'Investissement), rendre compte à leurs clients, sur un support durable, des services fournis à ceux-ci. Le compte rendu inclut, lorsqu'il y a lieu, les coûts liés aux services fournis pour le compte du client. Le compte rendu inclut également des communications périodiques aux clients en fonction du type et de la complexité des instruments financiers concernés ainsi que de la nature du service fourni aux clients.") Déclarations d’adéquation • Les déclarations d’adéquation initialement transmises par Cougar Invest aux enquêteurs ont été signées en 2017 et 2018, soit bien antérieurement aux opérations réalisées en juillet 2020 sur le titre MND. • De plus, les nouvelles déclarations d’adéquation fournies, datées du 23 avril 2020 étaient manifestement des copies d’un document établi pour un autre client, sans adaptation. • Ces déclarations ne comportaient aucune mention spécifique au produit conseillé (titres MND) ni d’explications justifiant l’adéquation du titre MND aux besoins des clients au regard de leur expérience, de leur situation financière ou de leurs objectifs d’investissement. • Aucune déclaration d’adéquation n’a été établie pour les opérations de désinvestissement en titres MND réalisées par ces clients en juillet 2020 Questionnaire connaissance client • Les questionnaires de connaissance client fournis par Cougar Invest attribuent aux clients un niveau « expert », alors que ceux de la banque X indiquent un niveau de connaissances financières limitées (niveau validé par les clients eux mêmes). Une cliente indique qu'elle avait accepté d’être qualifiée d’« experte » sur proposition du CIF. • Les questionnaires de connaissance client de Cougar Invest fournis ne sont pas datés. RTO • Avoir transmis des ordres d’achat et de vente portant sur des OPC à la banque X: • en l’absence de toute convention de réception-transmission d’ordres (RTO) signée avec ces clients, • sans apporter la preuve que ces ordres provenaient effectivement des clients concernés • et sans fournir les enregistrements horodatés de la réception et de la transmission de ces ordres Surprenant ! Cougar Invest et son dirigeant n’ont pas déposé d’observations en réponse aux notifications de griefs, ni en réponse au rapport du rapporteur, et n’ont fait valoir aucun élément sur ce grief en réponse aux lettres circonstanciées Sanction • Sanction pécuniaire contre le dirigeant pour 400 000 euros assortie d’une interdiction définitive d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers. • La cour d’appel de Grenoble a déclaré Cougar Invest coupable de l’ensemble des infractions reprochées et confirmé la fermeture définitive de la société (Par un jugement du tribunal correctionnel de Grenoble du 14 novembre 2023, Cougar Invest a été déclarée coupable de réception illégale de fonds par un CIF mais relaxée des faits de blanchiment par personne morale.) • Sanction pécuniaire contre Cougar Invest pour 300 000 euros assortie d’une interdiction définitive d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers. Source : Décision de la commission des sanctions du 9 juillet 2025 à l'égard des sociétés MND (anciennement Montagne & Neige Developpement SA), EURL COUGAR INVEST Crédit photo : https://pxhere.com/fr/photo/892063
par Vincent Boisseau 16 juillet 2025
L'AMF a organisé en juin 2025 un atelier sur les conflits d'intérêts (CI) dans le cadre du CIF.
par Vincent Boisseau 15 juillet 2025
Transaction FIDUCIAL GERANCE . On retrouve les thèmes classiques (LCBFT, information) et un nouveau : le contrôle interne
par Vincent Boisseau 3 mars 2025
Depuis le jeudi 27 février, l'outil O2S d'HARVEST est bloqué suite à une cyberattaque. L'information est officielle depuis le vendredi 28 février. A ce jour , mardi 4 mars, l'outil n'est pas rétabli. A ce jour, aucun élément n'indique qu'il y a eu fuite de données. CONSTATS & ANALYSES Suite à la cyberattaque d’HARVEST, il y a des obligations CNIL à faire en tant que vous Responsable des Traitements et HARVEST sous-traitant. D'autant qu'O2S contient une quantité astronomique de Données à Caractère Personnel sur les clients : adresse, mail, téléphone, RIB, patrimoine, CNI, peut-être données médicales...bref, c'est énorme. Donc il y a effectivement des choses à faire. Voici le lien vers la CNIL qui traite des violations de données personnelles : https://www.cnil.fr/fr/notifier-une-violation-de-donnees-personnelles En effet notre analyse est: qu’il y a eu une violation de données du fait d’un cas cité : perte de disponibilité , d’intégrité ou de confidentialité de données personnelles, de manière accidentelle ou illicite) En revanche on ne sait pas encore s’il y a eu fuite de données, LE DISPOSITIF d'HARVEST Voici les informations reçues par un CGP, en juillet 2024, sur le dispositif HARVEST : plutôt sérieux. "Sécurité physique : Les serveurs sont hébergés dans un Datacenter Interxion dans l’UE. Le Datacenter a de nombreuses certifications : ISO 14001:2004, ISO 27001 & ISO 22301, ISO 50001:2011, OHSAS 18001, ITIL V3 ,PCI-DSS, HDS (Hébergeur Données Santé). Les infrastructures sont monitorées 24h/24 et 7h/7. Les baies hébergeant les systèmes sont fermées à clé, seul le personnel habilité a accès aux baies : Notre sous-traitant (Waycom) pour la mise à disposition et la supervision des infrastructures d’hébergement travaillant pour le compte d’Harvest (hors baies privées dédiées dont l’accès est géré uniquement par Harvest) Les membres habilités de la DSI Harvest. Les grappes de disques ainsi que les alimentations sont redondées (ainsi que tous les éléments critiques physiques du Datacenter : réseaux internet, réseaux électriques, etc…). Sécurité logique : Les données de production sont accessibles uniquement par un nombre de personnes restreint, défini en accord avec le comité des risques d’Harvest. En aucun cas nos sous-traitants ont accès aux données applicatives. L’accès est basé sur une authentification : compte / mot de passe. Les droits et habilitations sont donnés selon le profil de l’utilisateur. Les flux sont chiffrés (HTTPS). Les données des applications répliquées en continue sur un serveur de secours local et sauvegardées sur un serveur de sauvegarde distant. Les opérations effectuées sur les serveurs sont journalisées. Les serveurs sont mis à jour régulièrement et possèdent un antivirus à jour. Des tests de vulnérabilité sont effectués périodiquement et donnent lieu, si nécessaire, à des plans de remédiation. Réglementaire : Dans le cadre de la réglementation européenne RGPD, un registre des traitements a été créé, il est maintenu par le DPO (Data Protection Officer) d’Harvest. Plan de continuité (PUPA), dans ce cadre Harvest : Dispose d’une procédure de gestion et d’escalade des incidents. A mis en place un comité des risques et est accompagné par un cabinet d’audit externe Activation de la cellule de crise en cas de problème majeurRéalise des évolutions régulières sur l’infrastructure matérielle et logicielle de ses environnements pour améliorer en permanence les performances et la sécurité " QUE FAUT IL FAIRE en interne ? La violation de données et la cyberattaque ne concernent pas VOS systèmes mais ceux d'un sous-traitant. Donc pas de panique. Quand on lit les instructions CNIL, dans cette configuration, il faut documenter la violation de données en interne. QUE FAUT IL FAIRE vis à vis de la CNIL? Là l'instruction est claire : il faut notifier l’incident à la CNIL dans les 72 heures (donc aujourd'hui pour ceux qui ne l'ont pas faite). Pour ce faire, la CNIL vous accompagne : compléter le document préparatoire (aide au remplissage) : https://www.cnil.fr/sites/cnil/files/2023-07/trame_des_notifications_de_violations_de_donnees_0.odt puis faite la notification en ligne : https://notifications.cnil.fr/notifications/ QUE FAUT IL FAIRE vis à vis de vos clients ? Ne faites rien pour le moment ! Il faut prévenir les clients si la fuite de données est avérée. En effet, la CNIL précise : en cas de doute sur l’incidence de la fuite de données personnelles concernant la vie privée des personnes concernées (c’est le cas à ce jour car nous ne savons pas s’il y a eu fuite ou non de données), notifiez à la CNIL qui vous indiquera s’il est nécessaire d’informer les personnes. Voilà Croisons les doigts pour que vous puissiez rapidement travailler et que les données des clients ne fuitent pas.!
par Vincent Boisseau 11 février 2025
SRRI ou SRI...that's the question
Show More