Une sanction récente de l’AMF nous permet d’analyser dans le détail l’approche de l’AMF en ce qui concerne la répression des délits d’initiés, ici : les situations d’information privilégiée.
L’affaire ne concerne pas directement un acteur de la finance ou de l’épargne, mais des acteurs du monde de l’industrie, dans le contexte d’une opération financière ‘‘haut de bilan’’ entre sociétés cotées.
Toutefois, le texte de la sanction apportera aux RCCI et RCSI des éclairages intéressants sur la méthode d’analyse de la situation par l’AMF, la caractérisation d’un manquement aux obligations réglementaires, la recherche des éléments de preuve, l’appréciation des sanctions pécuniaires.
La caractérisation des manquements réglementaires
Il s’agit ici de deux manquements graves aux obligations d’abstention :
de communication d’une information privilégiée,
d’utilisation d’une information privilégiée.
Les textes applicables
Pour la première fois, nous semble-t-il, l’AMF fait référence, non seulement aux articles 621-1 et 621-2 du RG AMF, mais aussi au règlement européen 596/2014 sur les abus de marché, le ‘‘Règlement MAR’’ :
Article 7 : définition de l’information privilégiée,
Article 8 : définition d’une opération d’initié,
Article 10 : définition de la divulgation illicite d’une information privilégiée.
Dans son style inimitable, l’AMF précise que les dispositions du règlement MAR ‘‘ne sont pas plus douces’’ que celles du RG AMF. Elle retient donc celles du texte national.
Rappel sur les informations privilégiées
L’AMF nous rappelle dans le texte de la sanction qu’une information privilégiée doit être :
précise,
non connue du public,
sensible : c’est-à-dire susceptible d’avoir une influence sensible sur le cours du titre (s’il elle était rendue publique).
La recherche des moyens de la communication de l’information privilégiée
L’AMF recherche la manière dont l’information privilégiée a pu être communiquée à un tiers. C’est ici qu’interviennent diverses péripéties de l’histoire, dont la chasse. Rappelons simplement que l’AMF recourt à la méthode du ‘‘faisceau d’indices’’ pour déterminer l’existence d’une communication de l’information privilégiée, à défaut de ‘‘preuves directes’’, quitte à ne trouver qu’un ‘‘circuit plausible de transmission de cette information qu’il convient de prendre en compte’’.
La caractérisation de l’utilisation de l’information privilégiée
Cette caractérisation est très claire : l’investissement réalisé grâce à l’information privilégiée est, entre autres caractéristiques : important, de courte durée, atypique …
Initiés primaires et initiés secondaires
L’AMF utilise et illustre la différence entre l’initié primaire et l’initié secondaire :
L’initié primaire a accès à l’information privilégiée, du fait de ses fonctions professionnelles par exemple,
L’initié secondaire n’y a pas accès mais sait ou doit savoir que l’information qu’on lui communique est privilégiée.
En conclusion
Au-delà des aspects anecdotiques de cette histoire, le texte de la sanction nous paraît d’une grande portée pédagogique (comme souvent) :
sur les aspects techniques et réglementaires de la caractérisation d’un délit d’initié, de sa communication à un tiers, de son utilisation par celui-ci,
sur la démarche de l’AMF dans l’analyse de ces situations et l’appréciation des éléments de preuves (ou des faisceaux d’indices) qu’elle a en sa possession.
Pour en savoir plus :
20/04/2017 : Décision de la Commission des sanctions du 19 avril 2017
Photo d’illustration : ‘‘Chasse interdite sous peine de poursuites’’