L’AMF nous propose dans cette composition administrative un rappel sur ses attentes en matière d’analyse par les sociétés de gestion de la qualité de crédit des titres obligataires et de leur évaluation.
Ce sujet est peu abordé par l’AMF, et a un peu perdu de son acuité depuis les heures critiques de la crise financière des années 2007-2009. Toutefois, il nous semble très important de bien analyser dans cette composition administrative les attentes de l’AMF en la matière.
Rappelons les griefs faits à la société de gestion, qui portent sur deux thèmes principaux :
1) L’analyse crédit des titres figurant à l’actif des fonds monétaires par la société de gestion
2) L’évaluation (valorisation) de ces titres
Sur l’analyse de la qualité de crédit des titres obligataires en portefeuille
Sur ce sujet, l’AMF note :
En l’absence de notation externe de CT, une concordance erronée entre la notation externe de LT et sa retranscription en notation interne de CT
L’absence d’analyse crédit ou de notation interne par la SGP, en l’absence de notation externe
Une incohérence entre l’information donnée dans le prospectus des fonds et le processus effectivement suivi
Une information insuffisante voire erronée des investisseurs sur ce processus de notation ;
Et le grief habituel sur les insuffisances du dispositif de conformité et de contrôle interne qui ‘‘contrôle et évalue régulièrement l’adéquation et l’efficacité des politiques, procédures et mesures internes’’
Sur l’évaluation des titres obligataires à l’actif des fonds monétaires
L’AMF signale que la procédure en place laissait ‘‘une latitude importante pour fixer le niveau de valorisation des titres’’ et que des erreurs auraient été commises (notre utilisation du conditionnel) dans l’application des méthodes de valorisation des titres, en particulier en cas de décote.
Par ailleurs, ‘‘les prospectus des fonds auraient (sic, c’est bien l’AMF qui utilise le conditionnel) manqué de précision quant aux méthodes de valorisation utilisées […].
Les enseignements à tirer de cette composition administrative.
1) S’agissant du processus de notation (de la qualité de crédit) des titres obligataires :
La SGP doit avoir un processus interne de notation crédit, utilisé en parallèle, en complément ou en substitution aux notations externes.
La procédure doit être précise et décrire ce processus en détail : sources externes, analyses complémentaires internes, éventuels raccourcis méthodologiques, typologie des situations et des méthodes, fréquence des revues, gouvernance et contrôles.
Enfin, la SGP s’assurer de la qualité du dispositif de contrôle interne du processus de notation crédit.
2) S’agissant de l’information aux investisseurs
S’assurer que le prospectus décrit bien la réalité des processus de notation utilisés, et ceci, dans un certain détail (nous y reviendrons).
Reprendre cette information dans les rapports périodiques aux investisseurs, en notant pas exemple lorsque telle méthode de notation a été utilisée par défaut, ou lorsque telle analyse complémentaire a conduit à tel résultat etc.
3) S’agissant du processus d’évaluation des titres obligataires
S’assurer que le processus envisage les différents cas de figure rencontrés, et que la source des cours renseignés peut être facilement tracée, grâce à une typologie formelle de méthodes décrites avec précision. Par ex. : méthode 1 : ‘‘prix écran’’, méthode 2 : contributeur X ou Y, 3 : moyenne de contribution, 4 : prix affiché + décote / surcote, 5 : méthode interne ‘‘standard’’, 6 : méthode interne ‘‘simplifiée’’ ou au contraire, 7 : ‘‘analyse complémentaire approfondie’’ etc.
Le dernier grief (le manque de précision des prospectus quant aux méthodes de valorisation utilisées) nous laisse perplexe.
Nous savons tous depuis la crise de 2007 – 2009 (mais certains s’en doutaient bien avant) que la valorisation des titres obligataires privés (et même Etat ou supra), quelquesoit la maturité, est un exercice délicat par temps calme, difficile en temps troublés, et quasi impossible en période de crise.
La multiplicité des méthodes utilisées (ou utilisables) en est la preuve évidente. Nous pensons qu’il est peu utile de décrire dans un prospectus la variété des méthodes de valorisation qui sont (ou seront) appliquées : dans des contextes différents, pour des titres aux caractéristiques différentes et des situations de liquidité fluctuants.
Inscrire dans le marbre, une fois pour toutes, (c’est-à-dire dans un prospectus) ‘‘la nature des cours transmis par le valorisateur’’ ou ‘‘les modalités de forçage de valorisation des titres’’ ou ‘‘l’utilisation des différents modèles de valorisation’’ pourrait consister, au mieux de l’information de l’investisseur, à reprendre in extenso la procédure de valorisation de la SGP, si celle-ci décrit bien l’ensemble des situations potentielles et des réponses pertinentes apportées par la SGP.
Cette information est-elle pertinente pour l’investisseur ? Son intérêt en est-il mieux pris en compte ?