Le Sénat a récemment modifié les pouvoirs des SAFER. Y aura-t-il des impacts sur les GFV ?
Les faits récents
Un peu passé inaperçu, le Sénat a, en juillet 2016, renforcé le droit de préemption des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) à l’occasion de l’examen du projet de loi Sapin II sur la transparence de la vie économique visant à empêcher la financiarisation de l’agriculture au détriment de l’installation d’agriculteurs.
bleIl s’agit notamment d’une réponse au rachat de terres agricoles par un fonds de gestion chinois basé à Hong-Kong (entre avril 2015 et avril 2016, ce fonds chinois a acheté trois exploitations céréalières dans l’Indre, soit 1.700 hectares) et peut-être à l’engouement des terres agricoles et viticoles comme support d’épargne.
Ecouter l’émission France Inter sur les Investissements chinois dans les terres agricoles (à partir de 23’00). Ecouter)
Pourquoi cet amendement ?
Depuis septembre 2014, le droit de préemption des SAFER était limité aux cas où la totalité des parts sociales d’une société était cédée. Dès lors, des contournements permettant l’accaparement de terres agricoles par des montages sociétaires tout en échappant au droit de préemption restaient possibles (en ne vendant pas 100% de parts).
L’amendement du Sénat
Les SAFER « peuvent également, pour le même objet ainsi que pour le maintien et la consolidation d’exploitations agricoles, exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole, lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société, sous réserve, le cas échéant, de l’exercice des droits mentionnés aux articles L. 322-4 et L. 322-5 par un associé en place depuis au moins dix ans. » voir
Cet amendement consiste à donner aux SAFER la possibilité d’exercer leur droit de préemption en cas de cession partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole (typiquement un groupement foncier agricole – GFA – ou une société civile immobilière – SCI), lorsque l’acquisition aurait pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des parts ou actions, ou une minorité de blocage au sein de la société.
Cette extension du droit de préemption est limitée aux cas où il s’agit d’installer des agriculteurs ou de maintenir/consolider des exploitations agricoles, qui répondent à un objectif d’intérêt général. Les cas dans lesquels les SAFER ne peuvent préempter – dans le cadre familial, lors des installations ou lors des cessions consolidant des exploitations existantes – sont bien définis.
L’exercice de ce droit de préemption est rendu possible par la mise en place, par la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, d’un mécanisme permettant aux SAFER de disposer des informations sur tout mouvement de parts ou actions au sein d’une société.
Les SAFER
Une Safer (Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural) est une société anonyme, sans but lucratif (sans distribution de bénéfices), avec des missions d’intérêt général, sous tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances. Les Safer couvrent le territoire français métropolitain et 3 DOM. Les Safer jouent un rôle majeur dans l’aménagement du territoire rural:
dynamiser l’agriculture et les espaces forestiers, favoriser l’installation des jeunes ;
protéger l’environnement, les paysages et les ressources naturelles ;
accompagner le développement de l’économie locale.
Comment les Safer protègent-elles les terres agricoles et l’environnement ?
Des études foncières
La Safer observe le marché et réalise des études :
– pour connaître les prix des biens et des terres afin de les estimer à leur juste valeur avec les Service des Domaines et éviter les surenchères,
– pour permettre aux communes de connaître les mouvements fonciers de leurs territoires (elle évalue la faisabilité et les incidences des projets collectifs ou privés). Les portails Vigifoncier permettent aux structures ayant souscrit à ce service de bénéficier d’un outil de veille et d’indicateurs fonciers locaux en ligne (déploiement du service dans l’ensemble des régions en cours).
Des actions d’achat, de vente, de gestion et d’aménagement
– Elle achète des biens agricoles et ruraux puis les revend à des agriculteurs ou des collectivités, établissements publics (Conservatoire du littoral, parcs, agences, etc…), personnes privées… dont les projets répondent à l’objectif de ses missions.
– Elle peut stocker des terrains et les louer temporairement à des agriculteurs.
– Elle peut réaliser des travaux d’aménagement pour améliorer les conditions d’exploitation, pour entretenir les paysages…
Quels sont ses moyens ?
– L’acquisition amiable et, éventuellement, le droit de préemption.
– L’entretien des terres : la gestion temporaire (convention de mise à disposition – CMD), l’intermédiation locative et la convention d’occupation provisoire et précaire (COPP).
Droit de préemption
La loi (Articles L 143-1 et L 143-2 du code rural ) donne aux safer la possibilité de disposer d’un droit de préemption, afin de leur permettre de mener une action cohérente dans le cadre de leurs missions. Elles sont systématiquement informées des projets de vente par les notaires et peuvent acheter à la place de l’acquéreur initial. But : revendre à un autre acquéreur dont le projet répond mieux aux enjeux d’aménagement locaux.
Dans ce cadre, l’opération de préemption par la SAFER se fait au prix fixé par elle. Le prix des terres en France est donc « piloté » et ne reflète pas celui qu’aurait un marché liquide et libre.
En Europe par exemple, les prix varient énormément.
Prix des terres en Europe entre 1990 et 2012.
en savoir plus sur les prix en Europe:
L’impact sur les GFV
L’impact tient à la valeur des transactions sur le foncier, non plus seulement en direct, mais également quand il y a transaction totale ou partielle des parts ou actions d’une société dont l’objet principal est la propriété agricole.
Impact potentiel sur les GFV (ou GFA) : si les prix de transaction sont trop élevés par rapport au prix de marché (ou plutôt au prix SAFER), la SAFER peut dorénavant préempter à un prix plus faible. Les GFV qui ont monté leurs opérations sur des prix d’entrée élevés pourraient avoir du mal à en sortir à de tels niveaux.
CGP…à bon entendeur…soyez vigilants.