Commercialisation d’un FIA non autorisé … pour lever toute ambiguïté

Jean-Marc Fourré • 10 novembre 2019
Une sanction récente de l’AMF rappelle le CIF à la plus extrême prudence et lève toute ambigüité lorsqu’il s’agit de conseiller un FIA non autorisé à la commercialisation en France.

    Le contexte

Il tient en quelques mots. Un conseiller en investissement financier a fait souscrire à une clientèle limitée et ciblée un produit de droit luxembourgeois (‘‘FIS’’, qualifié de FIA – Fonds d’investissement alternatif, par l’AMF) non autorisé à la commercialisation en France. Cela, avant, mais aussi après la publication par l’AMF d’un communiqué rappelant cette situation.

    Le grief retenu

Nous nous permettons de citer un extrait du document de l’AMF, qui nous parait clé. Il éclaire toute la problématique et lève toute ambiguïté :

‘‘Le fait pour un CIF de recommander un investissement dans des instruments financiers sans s’être assuré au préalable que leur commercialisation était autorisée en France constitue un comportement nécessairement contraire (c’est nous qui soulignons) à l’intérêt de ses clients, qui doivent bénéficier de conseils professionnels (idem) s’inscrivant dans le respect de la réglementation (idem) applicable.’’

    Et peu importe que

Comme d’habitude, l’AMF écarte diverses ‘‘circonstances atténuantes’’.

    La bonne foi du conseiller (qui a pu être en situation légitime de penser que le FIA était effectivement autorisé à la commercialisation).
    La présentation du FIA à une clientèle ciblée et limitée.
    L’absence de préjudice pour les souscripteurs du FIA.

    Le rejet de divers ‘‘moyens de procédure’’

Signalons en passant que le collège de l’AMF rejette divers moyens de procédure présentés par le CIF mis en cause.

    Un FIS est un FIA, et un FIA doit être autorisé à la commercialisation en France

Rappelons aussi que le FIS – Fonds d’Investissement Spécialisé, de droit luxembourgeois – est réservé aux investisseurs professionnels et avertis, et qu’il a la qualification de FIA. A ce titre, car ce n’est pas automatique, il doit (nous pourrions dire : ‘‘en plus’’) être dûment autorisé à la commercialisation en France par l’AMF, pour pouvoir être présenté à une clientèle (bien évidemment professionnelle).

    Et s’il n’y a pas d’acte de commercialisation ?

Une fois de plus se pose ici la question de la commercialisation ‘‘passive’’ (reverse sollicitation).

Que se passe-t-il si c’est mon client qui me sollicite sur un produit dont il a eu connaissance par ailleurs ? Et dont bien sûr il peut m’indiquer avec précision la dénomination, les caractéristiques détaillées, les avantages et les inconvénients etc.

Cf. la fameuse définition à rebours de ‘‘l’acte de commercialisation’’ de DOC 2014-04 : Guide sur les régimes de commercialisation des OPCVM, FIA …, qui commence par le non moins fameux :

‘‘Ne constitue pas un acte de commercialisation en France : / 1. L’achat, la vente ou la souscription de parts ou actions d’OPCVM ou de FIA répondant à une demande d’un investisseur, ne faisant pas suite à une sollicitation …’’.

Et bien dans ce cas :

    Il ne doit y avoir aucun conseil d’aucune sorte de la part du conseiller, aucun ‘‘rapport écrit de conseil’’, aucun ‘‘rapport d’adéquation’’, aucune recommandation, aucune préconisation, aucune incitation … Rien. Le vide. Le Néant.
    Et peu importe qu’il puisse exister des attestations d’éventuelles sollicitations antérieures de la part des clients, ‘‘dont la portée [pourrait être] relativisée […]’’ prévient l’AMF.
    En revanche, demeure bien l’obligation du conseiller de veiller à la capacité du client à souscrire au FIA en question, et en particulier son obligation de vérifier la qualité de ‘‘client professionnel’’ de son souscripteur.

Tout cela nous semble très clair.

Pour en savoir plus :

SAN-2019-14 – 28/10/2019

Et le texte de référence :

AMF – DOC 2014-04 : Guide sur les régimes de commercialisation des OPCVM, FIA … en France

Ill. …
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Contexte: MND (ex-Montagne & Neige Developpement) est spécialisée dans le développement, l’aménagement et la sécurisation des domaines skiables, de sites de loisirs et d’infrastructures en montagne. Introduite en bourse en 2013, la société a été admise à la négociation sur le compartiment C d’Euronext Paris, puis sur Euronext Growth à compter de 2018. Cougar Invest est un cabinet de conseil CIF depuis 2013 Les griefs concernant MND • On ne s'étendra pas sur les griefs concernant la société MND Les griefs concernant le CIF L'AMF s'appuie sur seulement 3 dossiers d'investissements sur les titres MND. Délit d'initié • Avoir fait réalisé à ses clients des opérations d’initiés en lien avec l’information relative au gain du contrat du téléphérique de Huy par MND Lettre de mission • Lettres de mission strictement identiques et par conséquent, non adaptées aux caractéristiques et motivations principales de chacun d’entre eux • Ces lettres de mission mentionnent une rémunération nulle pour l’étude patrimoniale et évoquent uniquement la possibilité d’honoraires dans le cadre d’une mission de suivi, sans préciser leur montant • Les lettres de mission comportent des informations générales sur différents scénarios de commissions susceptibles d’être perçues par le CIF, ce qui prive les clients d’une information claire et transparente concernant la rémunération effectivement perçue par Cougar Invest Rapport d’évaluation périodique • Aucun rapport d’évaluation périodique destiné à informer les clients: • (i) des coûts et frais effectivement supportés • et (ii) à vérifier l’adéquation des conseils fournis aux besoins et à la situation des clients, ne leur a été envoyé. • (rappel du 11° de l’article L. 541-8-1 CMF : "Lorsqu'ils fournissent un conseil mentionné au 1° ou 3° du I de l'article L. 541-1 (ndlr : Conseil sur instruments financiers ou sur Service d'Investissement), rendre compte à leurs clients, sur un support durable, des services fournis à ceux-ci. Le compte rendu inclut, lorsqu'il y a lieu, les coûts liés aux services fournis pour le compte du client. Le compte rendu inclut également des communications périodiques aux clients en fonction du type et de la complexité des instruments financiers concernés ainsi que de la nature du service fourni aux clients.") Déclarations d’adéquation • Les déclarations d’adéquation initialement transmises par Cougar Invest aux enquêteurs ont été signées en 2017 et 2018, soit bien antérieurement aux opérations réalisées en juillet 2020 sur le titre MND. • De plus, les nouvelles déclarations d’adéquation fournies, datées du 23 avril 2020 étaient manifestement des copies d’un document établi pour un autre client, sans adaptation. • Ces déclarations ne comportaient aucune mention spécifique au produit conseillé (titres MND) ni d’explications justifiant l’adéquation du titre MND aux besoins des clients au regard de leur expérience, de leur situation financière ou de leurs objectifs d’investissement. • Aucune déclaration d’adéquation n’a été établie pour les opérations de désinvestissement en titres MND réalisées par ces clients en juillet 2020 Questionnaire connaissance client • Les questionnaires de connaissance client fournis par Cougar Invest attribuent aux clients un niveau « expert », alors que ceux de la banque X indiquent un niveau de connaissances financières limitées (niveau validé par les clients eux mêmes). Une cliente indique qu'elle avait accepté d’être qualifiée d’« experte » sur proposition du CIF. • Les questionnaires de connaissance client de Cougar Invest fournis ne sont pas datés. RTO • Avoir transmis des ordres d’achat et de vente portant sur des OPC à la banque X: • en l’absence de toute convention de réception-transmission d’ordres (RTO) signée avec ces clients, • sans apporter la preuve que ces ordres provenaient effectivement des clients concernés • et sans fournir les enregistrements horodatés de la réception et de la transmission de ces ordres Surprenant ! Cougar Invest et son dirigeant n’ont pas déposé d’observations en réponse aux notifications de griefs, ni en réponse au rapport du rapporteur, et n’ont fait valoir aucun élément sur ce grief en réponse aux lettres circonstanciées Sanction • Sanction pécuniaire contre le dirigeant pour 400 000 euros assortie d’une interdiction définitive d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers. • La cour d’appel de Grenoble a déclaré Cougar Invest coupable de l’ensemble des infractions reprochées et confirmé la fermeture définitive de la société (Par un jugement du tribunal correctionnel de Grenoble du 14 novembre 2023, Cougar Invest a été déclarée coupable de réception illégale de fonds par un CIF mais relaxée des faits de blanchiment par personne morale.) • Sanction pécuniaire contre Cougar Invest pour 300 000 euros assortie d’une interdiction définitive d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers. Source : Décision de la commission des sanctions du 9 juillet 2025 à l'égard des sociétés MND (anciennement Montagne & Neige Developpement SA), EURL COUGAR INVEST Crédit photo : https://pxhere.com/fr/photo/892063
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SRRI ou SRI...that's the question
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