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Aprés la sanction Joyeux Noël, une sanction Bonne Année L’AMF gâte les CIF !

Vincent Boisseau • janv. 08, 2019
Cette fois-ci l’AMF bat en brèche un principe qu’on pouvait penser solide (un client PRO et un client non PRO doivent être traités de la même façon par le CIF Entreprise) mais fait miroiter un gros cadeau : le CIF  »partenaire » (quasi-mandataire) !

La Société

À l’époque des faits (2016), la Société exerce ses activités de CIF uniquement au profit de clients institutionnels (fondations, mutuelles  …). Son chiffre d’affaires s’élève à 2 M EUR environ. Six personnes sont dédiées à l’activité CIF.

La Société conseille ses clients sur des parts d’OPC, des obligations et des titres de créance.

Les griefs

L’AMF reproche :

    L’absence de procédure écrite et de questionnaire concernant la connaissance client
    Une connaissance client soit absente, soit incomplète, parfois non datée, et non formalisée dans un questionnaire ad hoc
    L’absence de lettre de mission ou lettre de mission incomplète
    L’absence de formalisation des conseils donnés à ses clients dans des rapports écrits (contenant les risques et avantages des produits conseillés, la situation financière du client, son expérience en matière financière ainsi que ses objectifs d’investissement)
    D’avoir transmis des supports de conseil à des personnes non habilitées à représenter le client
    De ne pas avoir encadré un consultant externe qui faisait du conseil en investissement auprès de ses clients
    De ne pas s’être doté de moyens suffisants et de procédures écrites permettant de prévenir efficacement deux risques de conflits d’intérêts
    D’avoir omis d’indiquer dans le document d’entrée en relation l’identité des SGP en situation de conflits d’intérêt
    D’avoir omis d’informer les clients sur les modalités de rémunération de la société

Une belle liste …

Analyse des griefs

    Absence de procédure écrite concernant la connaissance client
        Effectivement, du fait du nombre de collaborateurs dédiés à l’activité CIF (6), les procédures écrites sont obligatoires sur tous les aspects de l’activité (et fortement conseillées quand on exerce seul)
        Et cela, quand bien même les clients sont institutionnels : « les règles précitées relatives à l’obligation de s’enquérir des connaissances et expériences des clients ainsi que de leur situation financière et de leurs objectifs s’imposent au CIF sans introduire de distinction ou de modulation selon la qualité de sa clientèle. »
        Ce qui signifie aussi qu’il faut avoir des documents sur-mesure, adaptés à la nature de sa clientèle (le questionnaire est forcément différent entre un client personne physique et une mutuelle, par exemple)
    Une connaissance client absente ou incomplète, parfois non datée, et non formalisée dans un questionnaire ad hoc
        On rappelle que la connaissance client repose sur quatre piliers incontournables : Situation financière & patrimoniale ; Connaissance & expérience ; Objectifs et : aversion au risque.
        La Société a voulu faire jouer le principe de proportionnalité (cf. art. 314-45 et 314-54 du RGAMF, Directive MIF II sur la Gouvernance) qui permet à un PSI de présumer que son client, catégorisé en tant que professionnel, possède notamment l’expérience et les connaissances suffisantes pour recevoir un conseil en investissement et comprendre les risques.
        L’AMF a répondu que rien dans le RG AMF ou le CMF  « n’instaure de présomption en ce qui concerne les connaissances et l’expérience des clients des CIF lorsque ces clients sont qualifiés de professionnels ».
        Cette réponse ne se comprend qu’à l’aune d’une autre affirmation de l’AMF : la position AMF n°2013-02 selon laquelle « Les PSI sont fondés à présumer qu’en ce qui concerne les instruments, les transactions et les services pour lesquels le client est catégorisé comme professionnel, il possède l’expérience et les connaissances nécessaires pour comprendre les risques inhérents à ces instruments, transactions et services », qui n’est valable que pour les PSI et dont un CIF ne peut se prévaloir. La messe est dite. Le CIF doit s’enquérir de la connaissance, de l’expérience et des compétences de son client PRO (selon nous : plus précisément du décideur financier dans la structure).
    Absence de lettre de mission ou lettre de mission incomplète ou transmises postérieurement au conseil

        L’AMF a relevé que certaines lettres de mission ne mentionnaient pas de description de la prestation adaptée à la qualité de personne morale du client ainsi qu’à ses caractéristiques et motivations principales.
            Cela signifie donc que toute lettre de mission doit avoir une partie « sur-mesure » sur le préambule et la mission confiée (les lettres de mission copiées-collées sont à proscrire)
        La Société a fait prévaloir que la lettre de mission fournie par l’association n’était pas adaptée à son activité … L’AMF présuppose que le CIF doit adapter sa lettre de mission.
        En fait, la Commission a considéré que la tournure des lettres de mission avait un caractère de sur-mesure suffisant. Seul le grief de transmission tardive a donc été retenu.
    Absence de formalisation des conseils donnés à ses clients dans des rapports écrits (contenant les risques et avantages des produits conseillés, la situation financière du client, son expérience en matière financière ainsi que ses objectifs d’investissement)
        Il est à noter que pour l’AMF, « la transmission aux clients des DICI des fonds, établis par les sociétés de gestion, décrivant les avantages et risques des produits, est inopérante pour la caractérisation […] dès lors que l’article 325-7 […] impose aux CIF de rassembler eux-mêmes l’ensemble des informations requises dans un document unique. »
        En clair, le CIF :
            Doit rédiger un document ad hoc, rappelant les données essentielles du client et les quatre piliers ci-dessus, et
            Ne pas se satisfaire de la documentation « officielle » concernant les produits
            Et indiquer précisément en quoi le produit est adapté à la situation du client
    Avoir transmis des supports de conseil à des personnes non habilitées à représenter le client
        Les personnes visées étaient en fait historiquement dans la boucle des décisions
        Grief non retenu
    Ne pas avoir encadré avec un contrat ou une procédure un consultant externe qui faisait du conseil en investissement auprès de ses clients pour le compte de la Société
        Alors là, pour nous, c’est LE point essentiel. En effet, dans le cas présent, un consultant externe, CIF, organisait des réunions avec un client de la Société, en l’absence de cette dernière, et fournissait des conseils en investissement pour le compte de cette dernière.
        La Société, quant à elle, a depuis le contrôle mis en place une convention de partenariat avec ce consultant et précise être seule responsable de la relation avec ses clients et de la formalisation par écrit des conseils fournis.
        L’AMF ne retient qu’une chose : il n’y avait pas de contrat ni de procédure pour encadrer cette activité. Rien sur le fonctionnement entre la société et le consultant, rien sur les liens de responsabilité entre deux CIF, l’un travaillant au nom et pour le compte de l’autre sans être salarié.
        Et là on ne peut que s’interroger, s’exclamer et pourquoi pas se réjouir. Ce silence pourrait donc confirmer qu’un CIF peut faire travailler sous certaines conditions d’autres CIF partenaires qui vont faire du conseil en investissement pour son compte, tout en conservant l’entière responsabilité de ce conseil fait par ces partenaires.  Jusqu’à présent, nous avions la FAQ de l’AMF Position– recommandation AMF n° 2006-23, qui indique: « Aucune disposition ne permet à une personne ne bénéficiant pas d’un de ces trois statuts (PSI, agent lié, CIF) de fournir de conseils en investissements financiers, quand bien même agirait-elle au nom et pour le compte d’une personne autorisée à fournir un tel service dans le cadre d’un contrat de mandat. » Cette subordination était en filigrane et en contrepoint. La sanction vient donc préciser (selon nous) comment la relation CIF « mandant » / CIF « mandataire » peut être autorisée : en mettant obligatoirement des conditions strictes de formalisation de « qui fait quoi » et « qui est responsable de quoi » (dans un contrat de partenariat (cf. la sanction) ou de mandat (cf. la FAQ)). Si cela est confirmé, on se rapproche vraiment de la relation mandant/mandataire que tous les CIF appellent de leurs vœux quand ils veulent travailler avec des CGP juniors non salariés (et qui existe pour la partie assurance).
    De ne pas s’être dotée de moyens suffisants et de procédures écrites lui permettant de prévenir efficacement deux risques de conflits d’intérêts
        Selon l’AMF, dans le cadre de la perception de rétrocessions, les taux étant différents selon les fonds ou les SCPI, la société était donc en mesure de recommander à un client d’investir sur un support plutôt qu’un autre pour augmenter sa rémunération sans rechercher l’intérêt du client. Après analyse, il n’y a pas eu dans les faits de fonds privilégiés sur la base de la rémunération (écarts faibles entre fonds similaires). Les écarts de rémunération étaient forts entre classe d’actifs, mais là aussi, l’analyse montre que « les produits conseillés n’étaient pas substituables en termes de risques, de rendement, de liquidité et d’horizon d’investissement ». Le choix de l’un ou de l’autre était donc dicté par la stratégie du client. Grief non retenu.
        Par ailleurs, la Société était investisseur dans un fonds, CIF du fonds et apporteur d’affaires pour le fonds puisqu’elle le conseillait à ses clients. Sources de conflit d’intérêts. La Société n’étant pas rémunérée sur la partie « apport d’affaires » mais uniquement sur la partie « conseil », le grief n’a pas été retenu.
    Avoir omis d’indiquer dans le document d’entrée en relation, l’identité des partenaires avec qui la Société entretient des relations commerciales significatives

        Rappel : le document d’entrée en relation doit mentionner, parmi d’autres éléments, l’identité des établissements promoteurs de produits  avec lesquels le CIF entretient une relation significative de nature commerciale (ie. « une relation commerciale régulière qui contribue de manière notable au chiffre d’affaires du CIF »)
        Grief non retenu, chaque partenaire ne pesant que 5 % max. du CA
    Avoir omis d’informer les clients sur ses rémunérations
        Aujourd’hui effectivement, avec MIF II on ne peut s’en passer… mais en 2016, il y avait moins de pression.

PS : on peut s’étonner que l’AMF n’ait pas gardé confidentiel le nom des clients de cette Société.

Sanction

50.000 euros et affichage du nom.

Texte

Sanction AMF  SAN-2018-19 publiée le 28 décembre 2018

 

Crédit photo : PXHERE – https://pxhere.com/fr/photo/1130837

 
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