Encore une décision intéressante de la Commission des sanctions de l’AMF…

Vincent Boisseau • 30 avril 2014
La récente décision de la Commission des Sanctions de l’AMF  en date du 12 mai 2014 (voir la sanction) nous invite à revenir sur plusieurs aspects de la conformité réglementaire des sociétés de gestion, en particulier dans les domaines :

   1. de la primauté de l’intérêt des porteurs,
   2. de la prévention et de la gestion des conflits d’intérêt,
   3. de l’information des porteurs.

Sur le plan de la gestion des risques, la décision aborde le champ :

   1. de la gestion du risque de liquidité des fonds ;
   2. des dépassements de ratios réglementaire ;
   3. du suivi des investissements croisés ou réciproques.

Enfin, sur la forme, la décision de la Commission nous permettra d’aborder le sujet de la présentation du rapport du contrôleur de l’AMF et de son contenu.

Revenons en détail sur chacun de ces points, pour en tirer des enseignements pour la conduite de nos opérations.

1) De la primauté de l’intérêt des porteurs.

Ce principe essentiel doit conduire la société de gestion à analyser a priori, en détail et de manière très formalisée, les circonstances dans lesquelles un investissement particulier est réalisé pour le compte d’un fonds (le fonds A) en toutes circonstances, mais surtout si cet investissement est réalisé : a) dans un fonds B géré par la société de gestion ; b) pour permettre à ce fonds B de respecter des seuils ou ratios réglementaires ou c) pour permettre à ce fonds B de conserver son profil de risque initial. Dans ce contexte, analyser, formaliser et documenter le processus d’investissement du fonds A est crucial pour pouvoir justifier du respect de ce principe.

2) De la prévention et de la gestion des conflits d’intérêt

S’être doté d’une cartographie des risques de conflits d’intérêt et des procédures de gestion de ces risques, c’est bien. La maintenir opérationnelle et la respecter, c’est mieux.
La société de gestion doit prendre ‘’toutes les mesures raisonnables pour empêcher les conflits d’intérêts de porter atteinte aux intérêts de [ses] clients’’. De manière concrète, il s’agit ici de pouvoir justifier en toutes circonstances du choix de certains investissements, de respecter les listes éventuelles de titres sous surveillance ou interdits et de contrôler a posteriori le processus de sélection des investissements porteurs de conflits d’intérêt potentiels.

3) De l’information des porteurs

On rappellera ici que lorsqu’un fonds investit dans un autre fonds géré par la même société de gestion ou par une société liée, ceci doit être explicitement prévu dans le prospectus complet du fonds, nonobstant la durée d’un tel investissement ou sa taille relativement à l’actif du fonds concerné. L’obligation d’information ‘’est l’une des règles essentielles de traitement des conflits d’intérêts’’ au sein d’une société de gestion. L’identification a priori de ces conflits d’intérêt potentiels en est un préalable.

4) De la gestion du risque de liquidité des fonds

Ce point est capital dans l’enchaînement des faits qui a motivé les décisions de la Commission des Sanctions (des rachats très importants ont entraîné la baisse de l’encours du fonds en-dessous du niveau réglementaire minimal).
On n’insistera jamais assez sur la nécessité de se doter des outils et procédures visant à prévenir et gérer le risque de non liquidité d’un fonds, soit du fait de rachats importants au passif, nécessitant la vente immédiate d’actifs correspondant, soit du fait de circonstances de marché empêchant la société de procéder à la gestion habituelle de ses actifs. En particulier, il est critique de connaître à l’avance la conduite à tenir dans ces deux cas, par la mise en œuvre : a) d’analyses a priori : classement des actifs en fonction de leur liquidité, règles d’investissement internes, analyse du passif et simulations de rachats massifs et / ou continus, et b) de scénarios de crise : choix des investissements à liquider et calendrier, recours à des liquidités externes, mise en place de limitations / suspensions des rachats, communication de crise à l’attention des porteurs etc.

5) Des dépassements de ratios réglementaires

La décision rappelle opportunément qu’un dépassement de ratio réglementaire même marginal (par rapport à l’actif du fonds ou par rapport au seuil réglementaire autorisé), temporaire et très circonscrit dans le temps (quelques jours), et sans conséquence préjudiciable pour les porteurs reste un manquement réglementaire caractérisé et n’exonère pas la société de gestion de sa responsabilité.

6) Des investissements croisés et réciproques

La décision rappelle qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit les investissements croisés ou circulaires. Toutefois, il est clairement indiqué que ce type d’investissement génère un cumul des frais de gestion pour les porteurs, rend plus difficile la valorisation des fonds, conduit à une augmentation artificielle des encours de la société de gestion. L’analyse est nuancée ‘’lorsque les participations réciproques ne portent pas sur des montants significatifs […]’’.
Pour notre part, rappelons que la pratique des investissements croisés peut aussi générer, au total, un risque de liquidité accru pour la société de gestion, une concentration des risques et des effets de bord imprévus, et qu’en tout état de cause, ces investissements doivent : a) être explicitement prévus dans le prospectus des fonds ; b) avoir une logique de gestion dûment analysée et formalisée ; c) être suivis en consolidé à l’échelle de la société de gestion et d) être revus de manière régulière par une autorité indépendante de la gestion.

7) Sur la forme du rapport du contrôleur AMF

Sur la forme, enfin, le texte de la décision rappelle que le rapport écrit (du rapporteur de l’AMF) : a) n’est qu’un des éléments du dossier au vu desquels la Commission des sanctions se prononce, b) peut ne pas reprendre le plan adopté par la notification de griefs, c) peut retenir des faits et des griefs qui n’y ont pas été mentionnés au préalable, enfin : d) peut adopter la présentation ‘’la plus à même d’éclairer la Commission des sanctions’’.

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Contexte: MND (ex-Montagne & Neige Developpement) est spécialisée dans le développement, l’aménagement et la sécurisation des domaines skiables, de sites de loisirs et d’infrastructures en montagne. Introduite en bourse en 2013, la société a été admise à la négociation sur le compartiment C d’Euronext Paris, puis sur Euronext Growth à compter de 2018. Cougar Invest est un cabinet de conseil CIF depuis 2013 Les griefs concernant MND • On ne s'étendra pas sur les griefs concernant la société MND Les griefs concernant le CIF L'AMF s'appuie sur seulement 3 dossiers d'investissements sur les titres MND. Délit d'initié • Avoir fait réalisé à ses clients des opérations d’initiés en lien avec l’information relative au gain du contrat du téléphérique de Huy par MND Lettre de mission • Lettres de mission strictement identiques et par conséquent, non adaptées aux caractéristiques et motivations principales de chacun d’entre eux • Ces lettres de mission mentionnent une rémunération nulle pour l’étude patrimoniale et évoquent uniquement la possibilité d’honoraires dans le cadre d’une mission de suivi, sans préciser leur montant • Les lettres de mission comportent des informations générales sur différents scénarios de commissions susceptibles d’être perçues par le CIF, ce qui prive les clients d’une information claire et transparente concernant la rémunération effectivement perçue par Cougar Invest Rapport d’évaluation périodique • Aucun rapport d’évaluation périodique destiné à informer les clients: • (i) des coûts et frais effectivement supportés • et (ii) à vérifier l’adéquation des conseils fournis aux besoins et à la situation des clients, ne leur a été envoyé. • (rappel du 11° de l’article L. 541-8-1 CMF : "Lorsqu'ils fournissent un conseil mentionné au 1° ou 3° du I de l'article L. 541-1 (ndlr : Conseil sur instruments financiers ou sur Service d'Investissement), rendre compte à leurs clients, sur un support durable, des services fournis à ceux-ci. Le compte rendu inclut, lorsqu'il y a lieu, les coûts liés aux services fournis pour le compte du client. Le compte rendu inclut également des communications périodiques aux clients en fonction du type et de la complexité des instruments financiers concernés ainsi que de la nature du service fourni aux clients.") Déclarations d’adéquation • Les déclarations d’adéquation initialement transmises par Cougar Invest aux enquêteurs ont été signées en 2017 et 2018, soit bien antérieurement aux opérations réalisées en juillet 2020 sur le titre MND. • De plus, les nouvelles déclarations d’adéquation fournies, datées du 23 avril 2020 étaient manifestement des copies d’un document établi pour un autre client, sans adaptation. • Ces déclarations ne comportaient aucune mention spécifique au produit conseillé (titres MND) ni d’explications justifiant l’adéquation du titre MND aux besoins des clients au regard de leur expérience, de leur situation financière ou de leurs objectifs d’investissement. • Aucune déclaration d’adéquation n’a été établie pour les opérations de désinvestissement en titres MND réalisées par ces clients en juillet 2020 Questionnaire connaissance client • Les questionnaires de connaissance client fournis par Cougar Invest attribuent aux clients un niveau « expert », alors que ceux de la banque X indiquent un niveau de connaissances financières limitées (niveau validé par les clients eux mêmes). Une cliente indique qu'elle avait accepté d’être qualifiée d’« experte » sur proposition du CIF. • Les questionnaires de connaissance client de Cougar Invest fournis ne sont pas datés. RTO • Avoir transmis des ordres d’achat et de vente portant sur des OPC à la banque X: • en l’absence de toute convention de réception-transmission d’ordres (RTO) signée avec ces clients, • sans apporter la preuve que ces ordres provenaient effectivement des clients concernés • et sans fournir les enregistrements horodatés de la réception et de la transmission de ces ordres Surprenant ! Cougar Invest et son dirigeant n’ont pas déposé d’observations en réponse aux notifications de griefs, ni en réponse au rapport du rapporteur, et n’ont fait valoir aucun élément sur ce grief en réponse aux lettres circonstanciées Sanction • Sanction pécuniaire contre le dirigeant pour 400 000 euros assortie d’une interdiction définitive d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers. • La cour d’appel de Grenoble a déclaré Cougar Invest coupable de l’ensemble des infractions reprochées et confirmé la fermeture définitive de la société (Par un jugement du tribunal correctionnel de Grenoble du 14 novembre 2023, Cougar Invest a été déclarée coupable de réception illégale de fonds par un CIF mais relaxée des faits de blanchiment par personne morale.) • Sanction pécuniaire contre Cougar Invest pour 300 000 euros assortie d’une interdiction définitive d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers. Source : Décision de la commission des sanctions du 9 juillet 2025 à l'égard des sociétés MND (anciennement Montagne & Neige Developpement SA), EURL COUGAR INVEST Crédit photo : https://pxhere.com/fr/photo/892063
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