A son tour, l’AMF se penche sur le sujet de la liquidité des marchés obligataireset prononce au terme de son étude minutieuse et fouillée un verdict bien inquiétant.
Nous avons déjà abordé le sujet de la liquidité des marchés obligataires à l’occasion de la sortie d’une étude de la BRI sur le sujet (cf. notre blog du 29 mars 2015 : ‘’La liquidité … et l’illusion de de la liquidité’’). Après les analyses de Blackrock (2014) et de PWC (2015), l’AMF analyse à son tour l’évolution de la liquidité sur les marchés obligataires, en particulier français.
L’AMF explique d’abord comment elle a construit un indicateur multicritères de cette liquidité, fondé sur les spreads observés et traités sur le marché des titres obligataires d’Etat et ‘‘corporates’’. L’indicateur tient également compte de la présence sur les marchés de journées sans variations de cotation (signe d’un marché inactif) et de l’impact sur le prix des transactions réellement effectuées (le coût de la liquidité pour les parties prenantes à la transaction). L’AMF dispose aussi d’un historique de données varié (nombre d’émetteurs, encours émis, montants échangés, nombre de transactions etc.), très pertinent et sur une période assez longue (depuis 2010 voire 2005 pour certaines).
Le résultat de l’analyse menée sur la période 2005 / 2010 (selon les données) – 2015 est clair : la liquidité du marché obligataire français n’a jamais retrouvé ses niveaux d’avant-crise (2006-2007), mais s’améliore depuis 2012, alors que dans le même temps l’encours de dette publique et privée a cru fortement, de même que l’importance des fonds obligataires gérés activement ou non.
Que la liquidité du marché actuel ne soit qu’une fraction de celle des années fastes, soit. Le coût de la liquidité, tant sur les marchés que pour les apporteurs de celle-ci, les ‘‘market-makers’’, était sous-évalué à l’époque. On ne retrouvera donc sans doute jamais, nous le pensons, de tels niveaux, représentatifs d’une autre époque. Aujourd’hui, la liquidité restante est donc plus faible, fluctuante, et se répartit sur les instruments les moins risqués ou disposant des volumes émis les plus importants.
Par ailleurs, nous dit l’AMF, l’évolution de la liquidité des marchés dépend de facteurs conjoncturels, par exemple :
L’aversion au risque (qui influe négativement sur la liquidité) ;
Le bas niveau des taux d’intérêt, qui :
diminue la rentabilité du portage des actifs par les market-makers, et écrase la volatilité et donc les marges d’intermédiation, ce qui explique (entre autres) la diminution des activités de market-making ;
augmente le coût relatif de l’intermédiation, réduisant donc le taux de rotation des portefeuilles (pour les investisseurs finaux par exemple).
Comme la BRI, l’AMF prévient que le niveau très bas des taux d’intérêt a conduit à une compression des primes de risque, en particulier du risque de liquidité.
En conclusion : ‘‘Un choc sur les marchés (donnons quelques exemples, pour notre part : une hausse généralisée, même faible, des taux d’intérêt, ou sa seule anticipation ; une dégradation de la qualité de crédit des émetteurs privés, ou sa seule anticipation ; des mouvements de réallocation sur la courbe des taux ou leur simple anticipation etc.) se traduirait probablement par un tarissement de la liquidité.’’
Comment faire face, au niveau global ? L’AMF signale, comme la BRI, la piste d’une standardisation des émissions, gage de volumes unitaires émis plus importants et donc de liquidité accrue. Mais le marché obligataire (surtout ‘‘corporate’’) ne répond bien aux besoins des émetteurs que s’il propose une grande diversité de solutions. La création de plateformes de trading ? Peut-être, mais attention à la rentabilité des acteurs engagés, d’une part (pour rémunérer les risques pris) et à la résilience de ces marchés, si s’y développait le trading haute fréquence.
Les travaux de l’AMF sur ce sujet sont en cours. Ils feront l’objet d’un approfondissement que nous attendons avec impatience.
Pour en savoir plus :
16/11/2015 : Etude sur la liquidité des marchés obligataires français
Crédit Phot. : Miguel Chevalier, Pixels Liquides – 2011
Installation de réalité virtuelle générative et interactive – Festival La Novela, Musée d’art Moderne et Contemporain – Les Abattoirs, Toulouse, France.
www.miguel-chevalier.com