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Où l’on reparle de produits structurés et de … l’asymétrie de l’information

Jean-Marc Fourré • avr. 06, 2020
Le sujet de la commercialisation des produits structurés a été abordé par l’AMF il y a quelques mois, cf. notre blog du 18 février 2020 :

Produits structurés : quand l’AMF fait un premier retour d’expérience

L’AMF proposait une sorte ‘‘d’évaluation des politiques publiques’’, dix ans après la publication du texte essentiel en la matière (DOC 2010-05) et deux ans après sa dernière mise à jour.

Cette fois-ci, nous aimerions attirer votre attention sur un ‘‘papier académique’’ récent publié dans la dernière livraison (n°13) des toujours instructifs ‘‘ESCP Europe Applied Research Papers’’.

L’auteur s’interroge sur l’asymétrie d’information existant entre le producteur ou le commercialisateur d’un produit structuré et l’investisseur retail qui souhaite l’acheter. Il passe aussi en revue les biais de perception de ce dernier, dans son appréciation du profil de rendement / risque de ces produits. Enfin, l’auteur propose des pistes pour réduire ces biais, en améliorant l’information communiquée à l’investisseur.

Une asymétrie d’information bien réelle

Le premier constat de l’auteur est une asymétrie d’information bien réelle et significative :

  •     Les produits structurés sont en général des instruments financiers dont les mécanismes de production et de fonctionnement sont complexes
  •     Les variables qui influent sur leur prix sont nombreuses et parfois difficiles à appréhender
  •     Toutefois, ils sont acquis par des investisseurs retail, disposant le plus souvent de connaissances financières certes non nulles, mais sans doute insuffisantes pour apprécier l’ensemble des caractéristiques techniques de ces produits.

Des biais de perception ou ‘‘sources d’incompréhension’’

L’auteur cite quelques exemples de caractéristiques techniques des produits structurés sans doute mal appréciées par les investisseurs retail :

  •     Le risque de crédit lié à l’émetteur des produits structurés, à échéance, mais aussi à tout moment de la vie du produit, via sa notation sur le marché du crédit,
  •     Le risque en capital, qui peut être très important dans le cas de fortes baisses des marchés et autres ‘‘événements extrêmes’’,
  •     Le risque de volatilité, l’investisseur étant vendeur (‘‘court’’) de volatilité, et s’exposant donc à une hausse de celle-ci, souvent corrélative à la baisse des marchés du sous-jacent,
  •     Le risque d’allongement de la duration du produit (non exercice de l’auto-call), l’investisseur étant là aussi en situation de vente de cette optionnalité,
  •     Plus subtil, le biais de perception, qui veut qu’un panier d’actifs ‘‘worst-off’’ soit considéré par un investisseur comme ‘‘meilleur’’ au global si l’on y ajoute des titres ‘‘de qualité’’ , alors que cela revient simplement à y ajouter des risques supplémentaires, plus ou moins corrélés.

Informer les investisseurs : avantages et limites du PRIIPS KID

L’auteur reconnaît le rôle majeur des documents réglementaires de type PRIIPS KID dans la meilleure appréhension par l’investisseur des caractéristiques des produits structurés. En effet, ce document permet de saisir les caractéristiques globales des produits structurés et permet de les comparer les uns avec les autres, et avec d’autres supports d’investissement.

Toutefois, il note par exemple que le risque intrinsèque de crédit reste difficile à évaluer, car ‘‘noyé’’ dans l’indicateur synthétique de risque – SRI, qui agrège l’ensemble des risques des produits structurés.

S’agissant des scénarios de performance, il note que la probabilité d’occurrence des différents scénarios n’est pas indiquée dans le PRIIPS KID.

En ce qui concerne les coûts liés à l’acquisition et à la détention du produit, l’auteur note la description exhaustive de ces coûts mais l’absence d’information quant à leur nature exacte et à leur destinataire.

Le rôle critique des intermédiaires de commercialisation

L’auteur insiste enfin sur le rôle des intermédiaires de commercialisation des produits structurés, et en particulier des conseillers en gestion de patrimoine (CGP). Ce rôle est essentiel dans la transmission des informations du producteur jusqu’à l’investisseur final. Pour lui, « la problématique de la formation des CGP est aujourd’hui un enjeu fondamental de cette industrie ». En effet, la perte d’information entre les deux extrémités de la chaîne de distribution semble être maximale lors de cette étape de l’intermédiation par le CGP. Nous ajouterons que la réglementation pèse au premier chef sur ces intermédiaires, car ils sont au contact direct des investisseurs et ont une obligation de conseil.

Les rôles complémentaires des brochures commerciales et du PRIIPS KID.


Autre piste d’amélioration suggérée par l’auteur : rapprocher les objectifs des différents documents fournis aux clients, en insérant dans les brochures et plaquettes commerciales des informations complémentaires, non présentes dans le KID, du fait de son format volontairement synthétique.

Le jeu de la concurrence

L’auteur souligne aussi que le jeu de la concurrence entre acteurs (tant producteurs qu’intermédiaires) peut également réduire les effets d’asymétrie d’information, tout en exerçant une pression favorable sur le coût des produits structurés.

Pour en savoir plus :

La réalité des risques des produits structurés est-elle bien comprise par les investisseurs finaux ?

In : ESCP Europe Applied Research Papers  n°13, Banque et Stratégie n° 386, 2019.
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